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Les différents deuils
«La vie n’est qu’une longue perte
de tout ce qu’on aime »

Victor HUGO

Les différents deuils


Définition du deuil.


Les mots “ deuil “ et “ douleur “ proviennent du verbe latin “ dolere “ qui signifie souffrir.
« Dans le langage courant, le mot « deuil » renvoie à deux significations. Est appelé deuil l'état affectif douloureux provoqué par la mort d'un être aimé. Mais deuil signifie tout autant la période de douleurs et de chagrins qui suit cette disparition. Le deuil est donc constitutif d'une perte d'objet, au sens psychanalytique d'objet d'amour ».

Ce deuil peut entrainer une véritable réaction dépressive, nécessitant un travail intrapsychique appelé « Travail de deuil » par S.FREUD , pour être surmonté.
En parlant du défunt, J. C. AMEISEN notait, « Comment faire pour que sa présence se transforme en absence, puis que cette absence à son tour nous devienne présence ?»
Le travail de deuil est normal dans la mesure où la réalité l’emporte.
Déjà en 1915, S. FREUD notait dans ײDeuil et mélancolieײ que : « Chacun des souvenirs, chacun des espoirs doit revenir à la conscience, être surinvesti et être frappé du décret de la réalité : il n’est plus. »
Ne serait-il pas possible de faire une comparaison du deuil pour celui qui reste à l’agonie de la personne en fin de vie dans la mesure où il s’agirait dans les deux cas d’apprendre à se détacher ?

La mort est vue comme la perte la plus définitive, cela est ainsi, mais ce n’est pas la seule perte à laquelle nous soyons confrontés.
Tout ce qui implique une modification, un changement, une rupture impose un temps de réparation. C’est ce travail de réparation dans son sens le plus large qui est appelé « le deuil ».
Admettre dans le quotidien ces ruptures et ces pertes, c’est faire le deuil de l’objet ou de toute autre situation.

Ainsi L. ROURE nous dit que : « Réussir à passer cette étape de deuil, c’est accepter avec résignation la perte dont on est victime, le renoncement à certaines situations, c’est admettre l’invraisemblance sans révolte ou manifestation excessives et inutiles, c’est reconnaître que l’on est face à l’impossibilité absolue » .

Judith VIORST dresse un inventaire de toutes les différentes pertes qui jalonnent notre vie. Ces “ renoncements nécessaires “ sont présents dès notre naissance. La première épreuve étant le deuil de la fusion à la mère. Toute notre vie nous essayons de combler cette perte au travers d’actes délibérés ou inconscients. La réalisation de la défusion permettant par ailleurs d’accéder à la conscience de soi, c'est-à-dire au “ Je “.

Ce premier contact avec la perte est également exposé par M.F.BACQUE lorsqu’elle écrit : « La fin de l’état fusionnel du nourrisson avec sa mère (…) est sans doute la première épreuve (…). Ce premier deuil initie l’enfant à ceux qui viendront.»

Ensuite, le passage des différents stades, oral, anal et génital ainsi que, ce que
J. D. NASIO appelle “ Le concept le plus crucial de la psychanalyse, L’Oedipe “, nous montrent là encore, toutes les pertes que nous avons à faire pour grandir.
En effet, comment résoudre la crise œdipienne autrement que par :
- renoncer aux parents comme objets de désirs. Pour le fils par rapport à la mère ou au père fantasmé pour la fille
- incorporer les parents comme objets d’identification
- refouler les désirs, les fantasmes et l’angoisse.

Autre passage important, l’adolescence. Elle correspond à la période de l’abandon du mode de relation, existant entre l’enfant et ses parents, pour en construire une autre dans laquelle l’autonomie et l’identité seront reconnues.
C’est aussi à cette période que se pose pour la première fois, la question de la vie et de la mort sous une forme achevée et compréhensive.

Une fois devenu adulte, le monde, la famille, les enfants continueront pour nous, l’apprentissage inexorable des deuils.
Présent dès notre naissance, le deuil nous accompagne jusqu’à notre ultime passage.
Si le deuil initial est bien résolu, il donne plus de force et de possibilités pour affronter le suivant et ainsi de suite.
Le détachement douloureux à l’objet perdu est obtenu par un travail conscient et inconscient. Comme le précise S.FREUD, « Il est remarquable que ce déplaisir de la douleur nous semble aller de soi. Mais le fait est que le moi après avoir achevé le travail du deuil redevient libre et sans inhibition ».
Même si il n’y a pas une façon idéale ou unique pour traverser ou résoudre un deuil, nous remarquerons qu’il existe des étapes communes servant d’indicateur. Elles permettent de détecter si l’on a à faire à un deuil normal, compliqué ou pathologique.







Déroulement du deuil normal.


Malgré quelques différences quant au déroulement du processus, il faut noter les similitudes entre les définitions des étapes que font J. BOWLBY et E. KÜBLER-ROSS pour le deuil normal.
D’après J.BESSON et Y. BRAULT : « Bowlby est sur un mode essentiellement scientifique, KÜBLER-ROSS a, en plus une visée humaniste et spirituelle. A noter encore une différence, chez cette dernière le deuil est celui qu’une personne fait d’elle-même à l’approche de la mort alors que BOWLBY décrit le processus de deuil d’une personne qui a perdu un proche».

BOWLBY dénombre quatre étapes : obnubilation, nostalgie, désorganisation et désespoir, et enfin la réorganisation.

Pour E. KÜBLER-ROSS il y en a cinq : le déni, le marchandage, la colère, la dépression et l’acceptation.

Le deuil représente un phénomène normal qui varie d’un individu à l’autre. Sa durée, elle aussi varie, mais on considère que dans la majorité des cas, le deuil est achevé au bout d’un an. Les professionnels et spécialistes s’accordent à dire qu’il y a trois moments communs.






















L’étape initiale : l’état de choc, le déni, la sidération.


Elle survient dès l’annonce du décès. La personne est stupéfiée et se défend par une attitude de déni. « Ce n’est pas possible ! », « C’est un cauchemar ! », «Ça ne se peut pas ! ». Elle ne prend pas en compte la réalité.
Cela peut se traduire par :

- une anesthésie émotionnelle avec une absence de réaction. Un état de torpeur et d’engourdissement dans lequel la personne vit d’une façon automatique. Selon M. F. BACQUE et M. HANUS : « La sidération agit donc à trois niveaux : les affects sont anesthésiés, les perceptions émoussées, tout l’organisme est paralysé (physiquement comme intellectuellement) ».

- Une décharge émotionnelle avec de la colère, de la peur, de la tristesse qui signalent un refus de la réalité.

Les raisons de la colère sont multiples, cela est compréhensible, dans le sens où la perte est difficile à accepter . Cependant, confronté à la mort d’un être qui prend ainsi le statut de victime, il est délicat de ressentir de la colère à son encontre. Hors si cette émotion ne peut sortir, elle va se traduire par du ressentiment ne laissant pas la possibilité au deuil de se faire.

La peur va réveiller nos propres limites. La peur de l’inconnu. La peur avec la question existentielle sur la mort et sur ce qui se passe après. La peur d’être abandonné à cause de la tristesse… C’est cette peur que l’on retrouve très régulièrement en thérapie et qui est un frein à la transformation. Il est souvent bien plus facile de s’accommoder de son mal être que d’en changer.

La tristesse, mieux acceptée car légitime, permet de pleurer la perte, le manque. Elle est à distinguer de la dépression. « Les pleurs d’une vrai tristesse sont brefs et soulagent. Les larmes de dépression entrainent un état morbide »

Cette décharge émotionnelle M. HANUS l’apparente à un comportement de recherche de l’objet d’amour dont les cris et les appels font références au premier instinct, le nourrisson appelant désespérément sa mère.
L’obsession et la volonté de retrouver la personne disparue peuvent amener des distorsions dans l’interprétation de tout signal. Il n’est pas rare que cet état de choc soit accompagné d’hallucinations. L’endeuillé s’imaginant voir, entendre ou même sentir la présence du défunt.

Cette étape d’idéalisation peut être, ce qui parait paradoxale, accompagnée de colère, comme nous l’avons vu précédemment, envers le défunt, dans la mesure où un sentiment d’abandon émerge. Cette ambivalence que l’on retrouve dans toutes les relations à l’objet peut, si elle est verbalisée, amener une désidéalisation de l’être cher.

Une autre fonction de cette étape est qu’en laissant du temps à l’endeuillé, elle lui permet de trouver en lui des ressources nécessaires pour faire face à cette nouvelle situation.
E. KÜBLER-ROSS parle " d’amortisseurs ". « La dénégation fonctionne comme amortisseur après le choc de nouvelles inattendues en permettant au malade de se recueillir, puis avec le temps de mettre en œuvre d’autres systèmes de défense moins exclusifs ».
Ce répit, lié à ce déni de la réalité, arrive juste après le choc et évite un trop plein d’émotions qui submergeraient la personne. Laissant ainsi le temps à celle-ci d’entrer dans le travail du deuil.
Comme le souligne M. HANUS, en parlant de ce déni. Ce n’est pas la mort que l’on refuse mais l’émotion qu’elle nous provoque : « Il porte bien plus sur les conséquences intérieures de la perte, la perte interne (deuil, chagrin, désespoir, dépression) que sur la perte dans la réalité » .































L’étape centrale : La dépression, le repli.


C’est la période aigüe du deuil dont il est impossible de faire l’économie. La personne entre dans le travail en prenant conscience de la réalité. L’autre n’est plus et le futur bouleversé est inconnu.

Pour M. F. BACQUE la dépression est un état « réactionnel qui s’installe avec le retour du principe de réalité » .

E. KÜBLER-ROSS va plus loin en distinguant deux formes de dépressions : « Je dirai de la première qu’elle est une dépression de réaction », en cela elle rejoint M. F. BAQUE. « De la seconde qu’elle est une dépression de préparation » . La source de cette tristesse est la vision de l’avenir avec le vide laissé par l’objet absent.

Quant à M. HANUS, il fait la mention d’un : « Véritable état dépressif qui est en tous points comparable à celui de la pathologie courante. Cliniquement, il peut même présenter un aspect mélancolique » .

Les signes courants se regroupent dans trois domaines essentiels : le somatique, l’intellectuel et l’affectif. M. F. BACQUE précise :

- Au niveau des troubles somatiques : on retrouve des troubles du sommeil, de l’appétit, de la libido et une apathie certaine.
- Au niveau intellectuel : il y a un affaiblissement des performances cognitives. Une baisse d’attention, de concentration, des pertes de mémoire pouvant accentuer l’isolement de la personne.
- Au niveau affectif : c’est de la tristesse, de l’anxiété, une humeur labile, des émotions excessives.

Ces différents symptômes dépressifs sont à différencier de la dépression.
Pour S. FREUD : « Qu’il ne nous vienne jamais à l’idée de considérer le deuil comme un état pathologique et d’en confier le traitement à un médecin, (…). Nous comptons bien qu’il sera surmonté après un certain temps, et nous considérons qu’il serait opportun et même nuisible de le perturber »

I. FILLIOZAT voit cette étape comme : « un moment de désinvestissement de l’extérieur et d’investissement de soi » .

Cette phase est fondamentale dans le fait qu’elle prépare le sujet à se détacher de l’objet perdu. Il est important que le temps nécessaire pour vivre cette phase soit respecté. Il faut noter le caractère déterminant de la valeur de l’affect que porte l’endeuillé à l’objet perdu ainsi que sa capacité à élaborer un deuil. La subjectivité entre en ligne de compte, seul le sujet lui-même connaît l’importance du deuil qu’il aura à réaliser.
Ce n’est pas l’objet perdu qui déterminera le temps et l’intensité de cette phase, mais bien le degré d’attachement entre le sujet et l’objet. Cet attachement n’est pas synonyme d’une relation d’amour, il peut être lié à une relation conflictuelle, de haine.
La charge affective mise dans la relation, qu’elle soit positive ou négative, est un des éléments déterminants.
Un autre élément à prendre en compte, est qu’une perte même anodine peut réveiller d’autres deuils non réalisés
Une difficulté liée à cette étape centrale, est de faire la différence entre un deuil normal et sa dépression réactionnelle, avec une autre forme de dépression.









































L’étape de résolution, la fin du deuil.


Cette dernière étape montre que le deuil se termine.
S’instaure alors, une ouverture à une autre conscience, celle de l’acceptation de la perte. Les souvenirs de l’objet perdu peuvent être évoqués sans douleur excessive.

« Les signes de la dépression aigüe s’évanouissent et l’inhibition fait place à la vitalité qui incite aux projets, rencontres et sorties » .

Ce qui au départ peut provoquer une certaine culpabilité va cesser progressivement. La résolution du deuil se fait par le détachement de l’objet d’amour. Cela passe par la reconnaissance de la réalité de l’autre, son ambivalence avec ses bons et mauvais côtés. A aucun moment il n’est question d’oublier. Ce serait rentrer dans le déni avec la négation de la souffrance. Il importe ici, dans cette étape, de garder en mémoire, d’intérioriser la perte source de transformation et d’enrichissement .

Ici se termine le travail de deuil, assurant le passage pour le sujet, de l’attachement à la séparation.

« Chacun des souvenirs, chacun des espoirs par lesquels la libido était liée à l’objet est mis sur le métier, surinvesti et le détachement de la libido est accompli sur lui» .

Je voudrais terminer cette partie sur le déroulement du deuil normal par un passage de J. VIORST :

« Après le choc et cette phase de souffrance psychique aigüe, on passe à ce qu’on appelle « l’accomplissement » du deuil.
Il y aura encore des larmes, des nostalgies et des regrets mais l’accomplissement est le signe d’un progrès certain dans la guérison, l’acceptation et l’adaptation.
On recouvre la stabilité, l’énergie, l’espoir, la faculté de jouir à nouveau de la vie et de s’y investir.
On accepte le fait que malgré rêves et fantasmes, les morts ne nous reviendront pas dans ce monde.
On s’adapte, avec des difficultés considérables, aux circonstances nouvelles de la vie, en modifiant - pour survivre – son comportement, ses attentes, sa définition de soi»




Les signes cliniques du deuil.


Toute une série de symptômes peuvent apparaître lors d’un deuil. Ce qu’il faut retenir de ce descriptif, c’est que cette liste de symptômes ne se retrouve pas en totalité chez toutes les personnes endeuillées.

On retrouve cinq sections qui ont été déterminées par W. et M. STROEBE

- les symptômes affectifs ;
- les manifestations comportementales ;
- les attitudes envers soi-même, le disparu et l’environnement ;
- l’altération cognitive ;
- les changements physiologiques et plaintes corporelles.


Les principaux symptômes affectifs rencontrés sont : La dépression, l’anxiété, la culpabilité, la colère et l’hostilité, l’anhédonie, la solitude.

Les manifestations comportementales sont : L’agitation, la fatigue, les pleurs.

Les attitudes envers soi-même, le disparu et l’environnement sont : L’auto-reproche, la mauvaise estime de soi, le sentiment de perte d’espoir et d’impossibilité à être aidé, la perte du sens de la réalité, la suspicion, les problèmes interpersonnels, des symptômes physiques d’identification, la modification de la prise des médicaments, une fragilité particulière aux maladies.

L’altération cognitive est : Le ralentissement de la pensée, une sensation de fatigue, la mémoire affaiblie.

Les changements physiologiques et plaintes corporelles sont : La perte de l’appétit, des troubles du sommeil, une perte d’énergie, des maux de tête, du cou, du dos, des crampes musculaires, la gorge serrée, la bouche sèche, des douleurs à la miction, constipation, indigestion, la vision brouillée, des palpitations, des tremblements, …

Le deuil provoque un stress qui suivant les cas, chacun réagissant à sa façon, peut modifier le système immunitaire. Pendant de nombreuses années les chercheurs ont vu dans ce système un mécanisme automatique. Un agent pathogène dans l’organisme faisait se déclencher un mécanisme de défense. Or depuis, il a été démontré l’influence que peut avoir le rôle qu’ont les émotions et notamment le stress sur le système immunitaire avec la présence des effets psychologique et neurologique.
E. L. ROSSI nous dit que le stress prolongé ou chronique conduit à une production excessive des molécules messagères (de stress), adrénaline, cortisol, amenant finalement à un effondrement généralisé de différentes parties de l’entité corps esprit. Nous appelons cet effondrement stress ou réponse "psychosomatique". Il y a un risque d’augmentation d’ulcères psychogènes, d’hypertension due au stress, d’addictions, de myopathie, de diabète stéroïde… voir même dans certains cas la question de la responsabilité du stress dans l’apparition de différents cancers.





Deuils compliqués et deuils pathologiques.


Comme nous l’avons vu précédemment, le deuil est un processus normal, même si il est tout à fait courant, d’avoir l’impression de perdre la raison et donc de nous éloigner de la norme. La question qui se pose est de savoir quand le deuil se transforme de normal en compliqué, voir en pathologique ?

Pour y répondre je vais reprendre dans cette partie du mémoire la distinction que fait M. F. BACQUE des deuils compliqués des deuils pathologiques dans le chapitre
« Complications et aspects psychiatriques du deuil » :

« La psychopathologie du deuil peut être décrite selon deux axes : les deuils compliqués et les deuils pathologiques. Les deuils compliqués, dont le déroulement est inhabituel, mettent souvent en défaut la chronologie du deuil, mais sans aboutir à une maladie mentale caractérisée.
Les deuils proprement « pathologiques » entrainent une modification grave de l’état mental : décompensation d’une personnalité névrotique ou psychotique (deuil psychiatrique), développement d’un comportement dangereux pour le sujet ou pour son entourage »

Les deuils compliqués et pathologiques peuvent être assortis de somatisations, le conflit psychique se transformant en une affection somatique, ce que nous avons vu précédemment dans les signes cliniques du deuil.




Le deuil compliqué.


Ce qui caractérise le deuil compliqué : « Un blocage du travail avec prolongation de la phase dépressive, réaction de stress (avec possibilités de manifestations psychosomatiques graves) et passages à l’acte suicidaires particulièrement fréquents » .

Les différents facteurs conduisant à cette complication sont multiples. M. F. BACQUE et M. HANUS précisent que le blocage du deuil peut se faire à plusieurs niveaux : « Lors de l’annonce du décès, c’est un deuil traumatique, lors de la phase dépressive, c’est une dépression majeure réactionnelle au deuil » . Je propose dans les sous-chapitres suivants de préciser les différents deuils compliqués.




Le deuil absent ou différé.


Le sujet refuse la réalité et fait " Comme si de rien n’était ". Il en résulte qu’il n’y a aucune manifestation de tristesse suite à la perte. Tout au plus, il peut y avoir un léger désarroi. La personne se réfugie dans l’action et évite tout ce qui pourrait lui rappeler le deuil.

La personne est en plein déni, ce qui lui permet de se protéger et de faire l’économie de conflits internes trop violents. Ce mécanisme de défense est favorisé lorsque la personne n’a pu être confrontée avec l’objet d’amour disparu.
C’est le cas que l’on retrouve notamment lorsque le corps du défunt n’a pu être retrouvé ou qu’il n’y a pas eu de participation pour le rite des funérailles

Le risque avec le deuil différé ou absent est qu’un évènement traumatique extérieur puisse réactiver la dépression. Maintenant, ce n’est seulement qu’à ce moment là, avec cette réactualisation, que le travail de deuil pourra réellement commencer.


Le deuil inhibé.

Ce qui le différencie du deuil absent ou différé est que le sujet ne refuse pas la perte de l’objet mais par contre tous les affects liés à celui-ci. Pour M.F.BACQUE et M. HANUS : « Le deuil inhibé serait un deuil différé dont les défenses beaucoup moins efficaces se manifesteraient dans le corps » .
Dans notre culture occidentale, laissé sortir ses émotions, exprimer sa douleur, est devenu presque inconvenant. Il est de rigueur de faire face et de retenir sa peine. Cette éducation ou cette tradition vient renforcer la spécificité du deuil inhibé.

De même, l’expression des sentiments entre un homme et une femme est différente. Elle sera en mesure d’exprimer très naturellement ce qu’elle ressent, c'est-à-dire d’être en contact avec son intériorité. Pour lui se sera plus compliqué, Il lui est plus facile de s’exprimer dans un agir tels que : un surinvestissement dans le travail, de la colère… que de toucher et de montrer son émotion.

Nous retrouverons donc à ce stade des personnes en deuil qui ne parleront jamais de leurs pertes mais plutôt de leurs problèmes physiques.





Le deuil chronique.


A partir du moment où la durée du deuil avec son étape dépressive et ses symptômes associés semblent s’éterniser sans s’amenuiser, il est possible a priori de parler d’un deuil chronique. Il se caractérise aussi par l’ambivalence des sentiments et la relation de dépendance à l’égard du défunt.

Tout comme le deuil absent ou différé, s’il n’y a pas une réalité forte de la mort, cela peut être une des causes de ce deuil chronique.





Le deuil pathologique.


Afin de faire un parallèle et garder une cohérence avec le deuil compliqué, je prendrai la définition du deuil pathologique que nous donne le dictionnaire fondamental de la psychologie :

« Le deuil pathologique débouche sur la maladie mentale. Ses critères sont un retard dans l’apparition de l’affliction puis une prolongation de son évocation au-delà de deux ans et une menace réelle sur la santé psychique. Il peut s’agir d’une véritable psychose mélancolique ou maniaque (manie de deuil avec négation de la perte) ou d’un deuil obsessionnel, ou encore d’une hystérie de deuil » .

Pour L. ROURE , il s’agirait de personnalités présentant des troubles pathologiques qui seraient préalables à la perte. Ils seraient en veille et seraient réactivés lors du deuil provoquant une décompensation psychopathologique. La perte serait alors le vecteur déclenchant et non pas la cause directe et unique.


Voici un récapitulatif de différents symptômes pouvant amener à l’évocation d’un deuil pathologique :

- Pas de manifestation et expression émotives pour ce qui concerne la perte.
- Permanence des réactions liées à la perte accompagnée d’un déni prolongé.
- Exagération et persistance de sentiments comme la culpabilité et la colère.
- Problèmes de santé à répétition.
- Prolongation d’un état dépressif.
- Hyperactivité et agitation persistantes.






Le deuil chez l’enfant.

Le deuil chez l’enfant occupe une place à part dans la mesure où :

Son stade de maturité ne lui permet pas de comprendre le caractère définitif de la mort.
Et autre point important, son énergie étant consacrée prioritairement à son développement, l’énergie requise pour réaliser le travail de deuil n’est pas suffisante.
Il en résulte généralement un deuil différé.

R. REIGNIER montre les différents stades de l’enfant en lien avec le concept de mort . Nous voyons dans ce descriptif les difficultés liées à l’âge que rencontre l’enfant pour faire un travail de deuil.

Avant trois ans, l’enfant associe très vaguement la mort à une séparation, un départ. C’est l’expérience sensorielle directe que fait l’enfant avec l’extérieur qui lui permet de donner une existence aux êtres et aux objets.

Entre trois et cinq ans, dans son esprit et son imaginaire, le concept de la mort commence à prendre forme. Il n’y a pas encore ce côté irréversible de la mort. Pour l’enfant, le mort est parti temporairement dans un autre monde où il continue de vivre normalement en attendant de revenir.
La mort revêt un caractère magique notamment dû au fait que l’enfant attribue des pouvoirs irréalistes aux objets et aux personnes. A ce stade, il est important d’aider l’enfant à corriger sa pensée "magique" en expliquant les causes réelles et objectives du décès.
Jusqu’à cinq ans, l’enfant associe la vie à tout ce qui est animé. La mort occupe l’autre versant, c'est-à-dire tout ce qui est statique, immobile.
Tout comme l’adulte, l’enfant fait l’expérience d’une réaction émotionnelle douloureuse. La mort est synonyme pour lui de séparation

Entre cinq et neuf ans, bien qu’ayant un développement significatif de ses fonctions motrices, de son langage, de son intégration sociale, l’enfant garde un imaginaire actif et toujours ses pensées "magiques".
La mort et le mort restent des concepts confus. Il a une tendance à personnifier la mort, ce qui peut être un moyen de protection dans le sens où l’enfant peut lui échapper. Thème très régulièrement utilisé dans les dessins animés où la mort incarnée dans un personnage prend la forme concrète d’une réalité abstraite.

Entre sept et huit ans, il fait l’acquisition du concept de finalité. La mort est irréversible et définitive. Cependant, il n’a pas encore intégré son côté inéluctable et il ne se pense pas comme étant mortel.

Entre neuf et douze ans, l’enfant prend pleinement conscience de la signification de la mort. La connaissance de cette vérité lui est douloureuse et angoissante.

A l’adolescence, à douze ans et plus, bien qu’ayant conscience de sa condition de mortel, il ne l’accepte pas pour autant. C’est la période des grandes questions où le sens de la vie et de la mort prennent une place importante.

« La mort pour l’enfant introduit les différents paramètres qui président au deuil normal » .



E.S.













Publié le Mardi 02 Juin 2009






Eric Sinet
www.psychotherapie-larochelle.com